lundi 14 avril 2014

Crémation au temple de Pashupatinath


A Bhaktapur, nous avons eu l'occasion d'approfondir notre connaissance de la religion hindou, notamment en allant visiter le temple de Pashupatinath, situé sur les bords de la rivière Bagmati. C'est le lieu de crémation le plus sacré des népalais et un des temple les plus importants de la vallée de Katmandou.



Les abords du temples sont très vivants avec les étals des marchands et les oracles, assis par terre qui sont consultés par des familles, des couples ou des personnes agées, venus entendre la parole divinatoire de ses hommes pieux.


Nous ne comprenons pas ce qu'ils disent - ou prédisent :-) - mais toutes les couvertures alignées le long du trottoir sont occupées, à toute heure du jour. En échange d'un conseil, d'une prière exaucée ou d'une divination, une offrande est de mise: collier de fleurs, fruits frais, etc...


Nous découvrons aussi les vendeurs de 'kumkum powder': c'est la poudre de curcuma, colorée avec différents produits naturels, et qui - mélangée avec de l'eau pour former une pâte - servira à se marquer le front d'un point sacré: le tilak.


Le point sur le front est un fort symbole de la religion hindou. Il se situe à l'emplacement du troisième oeil, ou oeil de l'esprit, associé aux divinités et à la méditation.

Les népalais se l'appliquent après chaque activité religieuse de plus ou moins grande importance - une simple visite au temple justifie le tilak. Et les commerçants appliquent cette pâte chaque matin, souvent mélangée avec des pétales de fleurs et du riz, au dessus de la porte de leur commerce.

La plupart des hindous portent une marque constituée d'un petit trait de cendre gris avec un point rouge par dessus. Mais le tilak n'est pas toujours de couleur rouge. Il est appliqué sous des formes différentes selon le rite et le dieu vénéré. Rien n'est jamais simple dans la religion hindou...

Par exemple, les vishnouites portent un tilak en forme de U, de couleur grise (cendre) ou jaune (pâte de santal), alors que les shivaites appliquent les cendres pour former trois lignes horizontales sur le front.


Le Bagmati est une rivière sacrée au Népal. Elle sert de principal lieu de crémation un peu comme le 'Gange népalais'. Les népalais très aisés viennent parfois de très loin pour se faire incinérer ici. Nous sommes en ce moment en fin de saison sêche et le niveau de l'eau est au plus bas.


Les berges de la rivière sont aménagées en 'ghats': des platformes et des escaliers symbolisants des montagnes se jettant dans la rivière. Le site le plus en amont est réservé à la famille royale et en descendant vers l'aval, on retrouve les sites réservés aux castes les plus basses (le système des castes est aussi très présent au Népal).


L'accès au temple est réservé aux hindous pratiquants mais nous pouvons observer les rituels de l'autre côté de la rive - ce qui est toléré. Notre guide, Dupak, nous explique les différentes étapes de la cérémonie de crémation qui a lieu en face.



Le corps est entouré d'un drap blanc (le blanc est la couleur du deuil au Népal - on se marie en rouge). La famille et les amis déposent des offrandes et c'est ensuite le fils ainé qui transporte le feu sacré et le dépose dans la bouche du défunt. Cette cérémonie s'appelle ''Daagbatti'' et est essentielle car elle permet au défunt de rejoindre le 'paradis'.


La crémation traditionnelle est vraiment une étape très importante - qui permet de trouver la paix. Le fils alimente le feu en y ajoutant de la paille et des morceaux de beurre-graisse et le corps se consume assez lentement sur le bûcher pour permettre aux proches de récupérer des morceaux de chaire collés sur les os. Ceux-ci seront ensuite jetés dans la rivière Bagmati (qui rejoint éventuellement un aflluent du Gange, qui rejoint ensuite le Gange lui même). Mais ça, c'est seulement à la saison des pluies, parce que lors de notre visite, le niveau de la rivière était au plus bas.


C'était vraiment très intéressant de pouvoir observer la cérémonie de la crémation, tout en se faisant expliquer les gestes et les symboles. Les enfants ont été un peu incommodés par l'odeur mais la gaieté et les chaos qui règnaient sur le site détramatisaient beaucoup la scène. De plus, les nombreux singes ont eu vite fait de détourner leur attention :-)





Note: dans beaucoup de sociétés il est primordial d'avoir au moins un fils et, au Népal, avec cette cérémonie du Daagbatti, il est vraiment ESSENTIEL d'en avoir un, parce que si le fils effectue ce rituel, alors le défunt ira au paradis, sinon, le défunt est condamné à errer sans trouver la paix.




Note 2: le deuil est un élément très important dans la société népalaise. Le fils ainé doit en effet s'habiller en blanc pendant 1 an pour marquer le deuil et le respect pour son parent décédé. 

Notre hôte à Baktapur, Dupak, était rendu à son 10ème mois de deuil. Durant les 30 premiers jours après la cérémonie du Daagbatti, Dupak a dû rester très propre et très pur: en conséquence, personne ne pouvait le toucher, il devait vivre tout seul, se raser complètement la tête et se faire lui même à manger (dixit: pas par sa femme). Il nous a expliqué que plusieurs fois dans l'année, il devait participer ou organiser des cérémonies religieuses (Pujas) afin de s'assurer que l'âme de sa mère trouve la paix et le repos éternel. 

samedi 12 avril 2014

Le linga

Les festivités entourant le Nouvel An népalais continuent pendant quelques jours...















Avec Liam, nous tentons de tirer le chariot :-) puis nous croisons une garnison de soldats Gurkhas: ce sont des soldats népalais, recrutés dans l'armée britannique. Ils sont connus pour leurs kukris, un couteau lourd distinctif à la lame incurvée, ainsi que pour leur réputation d'être des soldats féroces, courageux et n'ayant pas peur de la mort (certainement influencés par la religion hindou).



Mais, aujourd'hui, l'activité principale est la levée du linga (ou lingam). Sur trois différentes places de Bhaktapur, la foule se presse afin d'assister à cette cérémonie très symbolique. Un immense tronc de plus de 25 mètres, le Linga (symbole phallique) est érigé dans un socle en pierre, le Yoni (symbole des organes génitaux féminis).


Ces deux symboles: le linga et le Yoni se retrouvent partout au Népal, et nous avions déjà pû constater leur importances au temple de Angkor Thom (voir le blog du 3 avril: Nez à nez avec le Bouddha)


Lors d'une de nos promenades dans Bhaktapur, nous avons même trouvé un espèce de 'cimetière de linga et de Yoni abandonnés' - s'étant retrouvés sans temple suite à des tremblements de terre... 



Les dieux hindous, en plus de leur mauvais caractère, de leur violence et leurs défauts, ont aussi une sexualité très débridée. On peut le voir sur de nombreux temples...


Erection du Linga dans le Yoni: ou ériger le sexe masculin dans le féminin le temps d'une nuit, symbolisant le coit, la fertilité. Le tronc est très loud et son érection prendra plus de deux heures.


Cette activité est reservée aux hommes et Christophe y a été convié par nos deux amis, les frères de Potter Square que nous avions rencontrées lors de notre arrivée à Bhaktapur.


De notre còté, les enfants et moi, sommes invités à admirer le spectacle dans l'immeuble voisin, avec le reste de la famille. 


La foule se presse nombreuse.  Des gens sont montés sur les toits des immeubles. L'excitation est à son comble. 


Le linga monte très lentement, tiré par des cordes, soutenu par deux tiges de bois...






 Ça tire fort en bas... Il y a de l'ambiance... On est un peu inquiet pour Christophe quand même !!


Finalement, le linga est dressé pour la nuit!  Christophe vient nous rejoindre, tout pompé de testostérone!


Mais alors que le mât est à peine érigé, de jeunes hommes se jettent sur les cordes attachées au sommet du linga afin de le gravir. Pour la chance? Pour la gloire? On ne sait pas trop... mais celui que j'ai pris en photo a chuté en redescendant et s'est cassé le bras.


Le linga restera debout pendant 24h puis sera jeté à terre le lendemain par ces mêmes hommes. Alors, la nouvelle année pourra commencer :-)

jeudi 10 avril 2014

Tir à la corde sanguinaire: ils sont fous ces hindous :-)))

Bhaktapur a trois grandes places bordées de temples: Durbar Square, Taumahdi Square et Dattatreya SquareAvant le tremblement de terre de 1934, toute la ville croulait littéralement sous un amalgame de temples et de statues. Bhaktapur signifie d'ailleurs 'cité des pieux' en Newari. 

Durbar Square, aujourd'hui, un peu plus aérée...
















Sur Taumahdi Square, deux temple se sont face. Une pagode de 5 étages: Nyatapola temple, consacrée à la déesse Siddhi Laxmi (considérée comme la déesse suprême, épouse de Shiva) et de l'autre côté, le temple de Bhairab (une manifestation particulièrement féroce de Shiva)   

 

Il faut comprendre que dans la religion hindou, il y a 4 divinités prinicipales: Vinshu, Shiva, Ganesh (le dieu à tête d'éléphant - fils de Shiva) et Parvati (épouse de Shiva) 


MAIS, là ou ça se complique... c'est que chacun de ces dieux possède des centaines d'avatar: des sous-formes et des apparitions sous divers formes, qui sont TOUS vénérés également!!!

Tripes de buffle accrochées en avant du temple de Bhairab
A Bhaktapur et dans toute la vallée de Kathmandou, Bhairab (avatar de Shiva) et Siddhi Laxmi (avatar de l'épouse de Shiva) font l'objet d'une vénération particulière. Bhaiab est généralement représenté avec six bras, portant une guirlande de crânes et foulant des cadavres (photo de gauche) et sa sympathique 'épouse' possède 16 bras, dont 14 tiennent une arme, avec un pied reposant sur un lion et l'autre pied reposant sur son époux Shiva :-))

 

Bhairab est un avatar cruel et sanguinaire de Shiva. Dans la religion hindou, la forme effrayante du dieu a pour but d'écarter la confusion dans l'esprit de l'homme et de mettre en fuite les passions et les désirs qui l'attachent à son destin terrestre et l'empêchent de progresser sur le chemin de la libération. 

Émilie devant la porte sculptée du temple
de Siddhi Laxmi
Bhairab et Siddhi Laxmi  sont considérés comme étant tellement cruels et dangereux que les portes de leurs temples restent fermées toute l'année et ne s'ouvrent qu'à l'occasion du Nouvel An.

Fidèles se recueillant devant le temple de Bhairab

 Puisque les fidèles ne peuvent entrer
dans le temple, il y a une petite fente
dans la facade du temple
pour les offrandes
La légende raconte que le temple de Bhairab a été construit en premier, mais pour contre-carrer l'attitude destructive de Bhairab, le roi du Népal aurait fait construire  juste en face une énorme pagode pour Siddhi Laxmi et placé des gardiens sur chaque marche (chacun étant supposé être plus puissant que celui du dessous). 

Le style 'pagode' tel qu'on le connait
plus couramment en Chine, serait
originaire de la vallée de Kathmandou
Nous étions présents à Bhaktapur lors des préparatifs des célébrations du Nouvel An. Sur Taumahdi Square était déjà installés les deux chariots de bois qui allaient transporter les statues de Bhairab et de Siddhi Laxmil lors des festivités. 

 

Nous sommes montés dans un café pour observer d'en haut la décoration des chariots et l'animation trépidante de la place à la veille du fameux 'tug of war' (tir à la corde): de chaque côté du chariot transportant la statue de Bhairab sont accrochés des grosses cordes et les hommes des quartiers Est et Ouest de la ville essayent de tirer le chariot vers leur côté de la place.



 Le matin même du 'tug of war', on installe le 'sidekick' de Bhairab en avant du chariot. Il est supposé protéger l'icone de Bhariab qui sera placée à l'intérieur du chariot (et sous la surveillance constante d'un prètre). 

 

Richement paré, il reçoit en plus les offrandes des fidèles: colliers de fleurs, tissus, riz... Ces mêmes fidèles qui se bousculent pendant la parade du chariot pour essayer de toucher la statue - terminant parfois leur course sous les roues en bois massif !!!! 

 

L'an passé, deux personnes ont peri ainsi écrasées sous le chariot ET cette année, les prédictions vont bon train puisque 4 nouvelles roues ont été installées et, d'après le prètre 'en chef', elles RÉCLAMENT DU SANG!!! C'est à dire des sacrifices.

 

De nombreux animaux ont déjà été sacrifiés pour calmer l'avidité sanguinaire de Bhairab et de Siddhi Laxmi... et d'autres attendent d'être sacrifiés en avant des temples... mais le jour du début des festivités, la tension est à son comble: les dieux vont-ils exiger des sacrifices humains? 


Le premier évènement des festivités est le 'tug of war' (tir à la corde)
et a lieu 4 jours avant le Nouvel an. Sur Taumahdi Square, l'ambiance est à la fête... 


...et nous nous sommes installés aux premières loges MAIS suffisamment en hauteur pour ne pas se faire écraser par les roues du chariot!! 


Après 2 bonnes heures d'attente à observer la foule sur la place et à sentir la frénésie augmenter de minute en minute , nous avons eu droit à un 'tug of war' nettement gagné par la partie Est de la ville :-))) - voir vidéo ci-dessous -


Note: les enfants ont été TRÈS patients, surtout que nous ne pouvions même pas leur offrir de crème glacée 100% bactéries locales pour patienter :-)))


Pour finir cette journée haute en couleurs, nous sommes allés nous réfugier loin de la foule sur notre terrasse préférée... Nous y avons appris que le 'tug of war' continuait dans la ville et que le chariot se faisait tirer vers l'Ouest puis vers l'Est sans relâche par des habitants de plus en plus en proie à un délire mystique (et aux effets de l'alcool de riz!!). 


Pour rentrer, nous avons décidé de faire un grand détour mais au moment ou nous remontions la rue de notre 'guest house', nous avons aperçu le chariot qui passait tout au bout... suivit d'un énorme bruit...


Nous avons appris le lendemain matin qu'un bâtiment s'était effrondé au passage du chariot juste au coin de notre rue et avait blessé 8 personnes. Heureusement, pas de mort, mais le sang avait coulé sur les nouvelles roues du chariot, comme prédit par le prètre... 


Et tout cela, la PREMIÈRE journée des festivités... Ils sont un peu 'fous' ces hindous quand même...

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